Les défis initiaux de la Maison des Amériques

La soirée d'ouverture. Aux extrêmes, Ángela Sierra et Pablo Luna, directrice et président de la Maison des Amériques, respectivement; au centre Josefina Blanco, conseillère municipale du district de Lorimier (photo: Casa de las Américas).

À l’automne 2019, la Maison des Amériques de Montréal a ouvert ses portes. Initiative d’un groupe de professionnels latino-canadiens, elle est allée chercher pour devenir un projet solide et rentable les conseils de MTLab. Ses premières activités prennent déjà place au cœur de la diversité latino-américaine, déployant de nouvelles opportunités et aussi des défis de taille.

Par César Salvatierra / Traduction par Alexis Lapointe

Version en espagnol

Une personne immigrante sur dix parmi la population montréalaise est originaire d’Amérique latine. Chaque année, ce sont 8 400 personnes issues de ce même espace géographique qui sont admises au Québec. Selon les chiffres officiels, l’espagnol constitue la langue du foyer pour 15 000 personnes au Québec. Autant de données témoignant de la place fondamentale que prend la communauté latino-américaine, des liens profonds qu’elle développe avec le Québec. L’essor que révèlent ces chiffres et surtout le dynamisme que manifeste cette communauté sont venus interpeller Martin Lessard, directeur de MTLab, un incubateur de projets touristiques, commerciaux et culturels. Au moment où il a entendu la jeune entrepreneure Mónica Peña évoquer l’idée d’une Maison des Amériques à Montréal, M. Lessard a tout de suite voulu offrir le soutien de l’incubateur pour accomplir ce rêve.

« Chez MTLab, nous appuyons le développement d’entreprises touristiques et à la base du tourisme, se trouve l’accueil, l’aptitude à recevoir l’autre ; nous ne pouvons pas être indifférents à ce qui le favorise puisqu’il s’agit de l’essence même de notre travail, explique M. Lessard. Quand j’ai compris le potentiel de la Maison des Amériques, je me suis dit qu’il y avait lieu d’aller de l’avant. La communauté latino-américaine se trouve très présente à Montréal et partout au Québec. Nous avons d’emblée eu envie d’offrir à cette équipe d’établir leurs bureaux dans nos espaces pour développer le projet. » À la suite de huit mois d’incubation dans les locaux de MTLab, le projet de s’approprier un espace à soi allait se réaliser. La Maison des Amériques a été inaugurée le 24 octobre dernier en tant que coopérative, comptant 24 entreprises associées.

« Il nous appartient maintenant de gérer un espace de 2000 pieds carrés, une grande salle d’événements et des espaces polyvalents », se félicite Angela Sierra, directrice de la Maison des Amériques ainsi que de l’organisation LatinArte, qui fait depuis dix ans la promotion de l’art et des cultures hispaniques à Montréal.

Le travail auprès de MTLab a permis de mieux concrétiser le projet, grâce à l’intégration de nouveaux circuits et d’une stratégie favorisant l’affirmation de la communauté latino-américaine comme agent actif de l’économie québécoise.  « Il s’agit d’une orientation essentielle pour nous, car les entrepreneurs hispanophones sont nombreux et nous voulons qu’ils soient reconnus à leur juste valeur, soulève l’actuelle vice-présidente de la Maison des Amériques, Monica Peña. Nous travaillons donc à créer des liens solides dans les milieux d’affaires. L’entrepreneuriat, l’innovation et les activités commerciales constituent de précieux leviers d’intégration pour de nombreuses personnes immigrantes, ils permettent à professionnels ou encore à des étudiants d’accomplir des projets à grande échelle. »

L’idée d’un lieu de rencontre s’impose lorsqu’on évoque la Maison des Amériques. Un endroit d’échange où des visages multiples peuvent être réunis, dans toutes leurs diversités. « Donner place à toutes les petites différences qui composent une communauté constitue la clé d’une grande diversité, affirme Pablo Luna, président du conseil d’administration de la nouvelle institution. Les entrepreneurs latino-américains possèdent déjà une éducation, un savoir-faire qui leur permettent de jouer un rôle proactif dans la société québécoise, il s’agit d’optimiser ce potentiel que nous détenons en s’appropriant les outils, les réseaux et les ressources nécessaires pour enfin le faire au même niveau que les autres. »

Véritables piliers, il s’agit de trois volets qu’investit la Maison des Amériques avec des programmes économiques, culturels et communautaires. « Le volet culturel se révèle crucial puisqu’il assure le rayonnement de nos diversités, pour mieux nous définir aux yeux du Québec. Il en va de même de notre programme communautaire d’accompagnement des nouveaux arrivants, de travail avec les familles ainsi qu’avec l’ensemble des personnes qui s’ouvrent à nos apports culturels. »

Bien sûr, l’établissement d’un lien de transmission aux prochaines générations constitue un des principaux défis de la Maison des Amériques. Aussi forte soit la représentation des citoyens d’origine latino-américaine au Québec, les plus jeunes d’entre eux en portent souvent l’héritage en s’identifiant d’abord avec le Québec. Selon Pablo Luna, le développement d’ancrages actuels et le sens de l’engagement social se trouvent au cœur des préoccupations des jeunes d’aujourd’hui : « L’enthousiasme, la mobilisation que suscite Greta Thunberg auprès de la jeunesse n’a rien d’anodin. Les nouvelles technologies favorisent un renouveau dans les relations et les interactions ; la création d’entreprises capables d’impact au plan social, la reconnaissance des minorités et leur contribution font partie de notre affirmation. »

Un autre défi à l’essor du projet consiste à convaincre les différents secteurs de la communauté latino-américaine qu’il vaut mieux travailler ensemble que rester divisés. Il s’agit pour la Maison des Amériques de développer une orientation et des stratégies à rebours des stéréotypes (pensons à certains préjugés, comme celui voulant que les personnes latino-américaines fassent les choses à moitié!), d’un leadeurship assez efficace pour se distinguer de tant d’autres initiatives ayant connu l’abandon et parer à tous écueils.


César Salvatierra est agent interculturel et consultant en diversité. Il est rédacteur et agent aux relations publiques pour Hispanophone.  Plus d’articles de l’auteur

Alexis Lapointe est étudiant au Certificat en journalisme à l’Université de Montréal. Journaliste pigiste, il donne voix par ses articles à sa passion pour la langue et les cultures hispaniques. Il fait de la traduction de l’espagnol au français pour Hispanophone. Lire plus d’articles de l’auteur.