UN NOUVEAU PROJET AU QUÉBEC SUR L’IA DANS LES DONNÉES PERSONNELLES CHERCHE À ÊTRE UTILE EN AMÉRIQUE LATINE

Imagen: Ticpymes.co
Par Carlos Bracamonte
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À la fin de 2020, le ministère de l’économie et de l’innovation du Québec a accordé 20 millions de dollars à 102 projets montréalais d’intelligence artificielle (ia) pour soutenir leur réalisation. L’une des initiatives qui en a bénéficié (avec une subvention de 100 000 dollars) a été présentée par le groupe OCF, qui vise à créer un outil permettant d’extraire et de valider les données sensibles des utilisateurs tout en garantissant leur confidentialité.

Pour Manuel Morales, spécialiste hispano-canadien de l’intelligence artificielle au Canada et l’un des coordinateurs du groupe OCF, la proposition vise à concevoir un générateur universel de données synthétiques : un outil pour la commercialisation et l’utilisation de la valeur enfermée dans les données personnelles grâce à une approche responsable de l’intelligence artificielle.

La pandémie a accéléré un fait qui était inévitable : la transition vers un monde de plus en plus numérique dans presque tous les secteurs productifs et professionnels. Ce scénario a créé dans plusieurs domaines un besoin d’outils permettant d’extraire et de structurer les informations non structurées des utilisateurs. Cependant, l’accès à un grand volume de ce type de données doit souvent passer par des évaluations éthiques qui font encore l’objet de débats.

Le Groupe OCF a déclaré dans un communiqué de presse que bien que de plus en plus d’entreprises collectent des données auprès des utilisateurs de leurs services ou produits, « elles peuvent rarement être utilisées pour créer plus de valeur, et ce pour une bonne raison : les problèmes de consentement et de confidentialité associés aux données personnelles ».

Le projet de 100 000 $ du Groupe OCF, financé par le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec, a une valeur totale de 300 000 $, qui sera financée par des investisseurs et par le travail de consultation de l’entreprise. Il s’agit d’une start-up dédiée au transfert de technologie qui propose des services de recherche et développement, de conseil et de formation en apprentissage automatique appliqués aux secteurs des services financiers, des fintechs et de l’intelligence d’affaires.

Manuel Morales, qui est également professeur au département de mathématiques et de statistiques de l’Université de Montréal depuis 15 ans, estime que le plus grand défi de ce type d’initiative d’innovation est de parvenir à un échange de données qui garantisse l’anonymat tout en respectant les limites de la vie privée.

Manuel Morales, de l’Université de Montréal, parle de la science des données pilotée par Ivado Labs, une autre initiative d’IA dont il fait partie.

« Ce que ce projet propose, c’est d’étudier des méthodes de génération de données synthétiques permettant la mise en œuvre de modèles d’apprentissage automatique efficaces dans le contexte de la numérisation de documents personnels. La nature privée de ces documents empêche la création des bases de données nécessaires pour former des modèles capables d’extraire et de valider les informations de manière responsable », explique Morales, qui est d’origine mexicaine et est arrivé il y a plus de 20 ans à Montréal pour y faire ses études de troisième cycle. Au sein de l’écosystème canadien, Morales est devenu un spécialiste reconnu de l’application de l’intelligence artificielle dans le secteur financier.

« Par exemple, au Mexique, il existe un système appelé Sofomes, dans lequel les institutions financières accordent des prêts et des financements de différents types », – explique Morales. « Ce système s’est beaucoup développé, mais l’accès à ce service est très compliqué, il est très manuel et prend du temps; en bref, ce n’est pas une expérience très facile; et cela rend le processus très complexe, avec la conception des modèles que nous prévoyons de produire, nous pouvons automatiser ces processus mais de manière éthique car nous traitons des données sensibles ».

« Au Mexique, il y a beaucoup de banques qui ont un niveau technologique très élevé. Mais nous ciblons le système de prêts aux petites et moyennes entreprises, et les microcrédits qui n’ont pas la capacité de développer la technologie pour optimiser leurs processus », explique Manuel Morales.

L’idée est aussi d’appliquer incidemment ces modèles au Mexique, premier pays d’Amérique latine à disposer d’une stratégie nationale en matière d’intelligence artificielle, et qui a grand besoin d’adopter de nouvelles pratiques d’innovation technologique dans des domaines tels que la santé numérique, la protection des espaces naturels; l’utilisation éthique de l’IA, le commerce, les services financiers et les assurances.

Dans le cadre de ce projet, l’OCF collabore avec une start up mexicaine, maat.ai, qui développe une technologie numérique pour la validation et la transmission de documents personnels dans le cadre de l’accès aux services financiers. Sa plateforme vise à simplifier les processus de validation d’identité des clients actuels et potentiels d’une institution financière. En collaboration avec l’OCF, elle cherche à intégrer des modèles d’intelligence artificielle pour automatiser complètement ces processus. Le projet de collaboration est en cours et les premiers prototypes de ces solutions sont déjà utilisés par des institutions financières au Mexique et dans d’autres pays d’Amérique latine.

Liens Québec-Mexique, un exemple pour la région

En 2019, une délégation de l’État de Jalisco – considéré comme la “Silicon Valley” du Mexique – s’est rendue au Québec à deux reprises pour signer des accords sur l’innovation et la technologie, et a rencontré des professionnels hispano-canadiens de premier plan pour réfléchir à des projets qui forment les plus jeunes et pour qu’ils puissent aider leurs pays d’origine.

« Je suis intéressé à la promotion de l’intelligence artificielle au Mexique – exprime le professeur Manuel Morales – j’ai participé à des projets éducatifs pour les enfants, à des modules d’intelligence artificielle pour les jeunes et pour la préservation du patrimoine, à des sessions de Hackathon. L’idée est d’organiser une communauté dans le pays autour du talent qui y existe pour trouver des solutions à des problèmes concrets ».

Les relations entre le Québec et le Mexique sont fluides depuis 1980 grâce aux accords bilatéraux et au travail du Consulat général du Mexique à Montréal et de la Délégation générale du Québec au Mexique, qui collaborent sur les questions de développement économique, politique, culturel et éducatif. Entre le groupe de travail Québec-Mexique et le groupe de travail Québec-Jalisco, plus de 300 projets de coopération ont été soutenus. De plus, chaque année, HEC Montréal envoie une délégation de jeunes entreprises québécoises au Start-up Fest de Jalisco.

Cet État mexicain et la Silicon Valley entretiennent une relation étroite grâce à la présence importante de professionnels mexicains en Californie. Cet écosystème peut servir de modèle à Montréal, qui doit promouvoir par des liens et des stratégies similaires l’acquisition de talents professionnels.

Dans la vidéo suivante, vous pouvez voir la session Québec – Mexique de la récente rencontre internationale sur l’innovation, organisée par le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec. Vous y trouverez des informations actuelles et détaillées sur les liens et les possibilités en matière d’innovation qui unissent le Québec et le Mexique. Un modèle qui peut être reproduit dans d’autres pays d’Amérique latine.


Carlos Bracamonte est agent interculturel et communautaire, spécialiste de l’immigration, de la diversité culturelle, de la gestion de projets et de la responsabilité sociale des entreprises. Il est directeur du magazine Hispanophone du Canada. En savoir plus sur l’auteur.

Publié avec le soutien du Consulado General de México en Montreal.

Contact: revista@hispanophone.ca.