Depuis le 2 octobre, se tient la quatrième édition du Coopérathon. Concours d’innovation sociale de premier plan à l’échelle internationale, en novembre il aura lieu pour la première fois en Amérique latine.
Par César Salvatierra / Traduction par Alexis Lapointe
Version en espagnol
« Lorsqu’il s’agit d’enjeux sociaux, les gens en ont assez des solutions qui viennent d’en haut », dit Federico Puebla, qui préside le Coopérathon. Pour le directeur d’innovation ouverte chez Desjardins, il s’agit d’un constat fondamental dans la mise en place de l’événement en 2016. Une rencontre internationale qui sort la technologie, l’innovation et l’intelligence artificielle des laboratoires, en les mobilisant pour la résolution de problèmes concrets. Là où les gouvernements peinent à agir, les citoyennes et citoyens prennent en charge le progrès. D’ailleurs, l’impact social constitue l’objectif de ce marathon d’idées qui a vu le jour au Québec, avant de connaître de connaître une édition en Belgique puis une autre en France. Il se tient cette année au Chili, grâce à un partenariat avec la coopérative d’économie Coopeuch.
« On veut qu’il soit possible pour le citoyen, la citoyenne d’agir sur des situations qui les concernent, au lieu d’attendre l’intervention des gouvernements, dit Federico Puebla. C’est à lui ou à elle que doit revenir le pouvoir de faire de la recherche, de créer et de réaliser des projets au service des communautés. » Tout d’abord, celui qui est aussi responsable du programme Startups en résidence de Dejardins décrit le Coopérathon comme un modèle de « pré-incubation » de projets faisant appel à la technologie. « Comme nos valeurs sont universelles, nous avons choisi de dépasser les frontières du Québec, raconte-t-il, au moment de notre rencontre à la table du Café Osmo, adjacent à la Maison Notman, qui abrite le Dejardins Labs, ainsi que différentes entreprises d’innovation comme Real Ventures, Montreal New Tech et Bonjour Startup Montréal. En 2018, le Coopérathon qui a eu lieu en France se déroulait simultanément dans cinq régions et notamment deux Collectivités d’outre-mer (COM), Tahiti et la Guadeloupe. Ce fut un succès incroyable, d’un océan à l’autre ! »
Oxygène de coopération
À la suite de sa conception et de sa mise en place par le Mouvement Desjardins (le plus important groupe financier coopératif au Canada), le Coopérathon a réuni des entreprises, puis des créateurs et de créatrices de changement social venus de différents horizons.
« La technologie rend possible une certaine démocratisation de l’entrepreneuriat, puisqu’elle est à la portée de toutes et de tous », affirme Federico Puebla. L’événement a connu une croissance annuelle de 64%, de pair une constante diversification des participants et des participantes.
Choix révélateur des profils privilégiés par le Coopérathon, le lauréat du premier prix en 2018 a été le projet Watergeeks. Une plateforme permettant à des entreprises spécialisées de mettre leurs équipements excédentaires à la disposition de différents regroupements ou de communautés, par le biais d’un système d’achat, de vente et de prêts. Initialement utilisée dans le traitement des eaux au Québec, son application s’est étendue d’autres secteurs industriels et à d’autres régions du monde.
À plusieurs égards, l’idée du Coopérathon ressemble à celle du hackathon – ces séances de travail collaboratif reconnues pour leurs résultats dans les secteurs de l’informatique et des technologies. « Lors d’un hackathon, la résolution des problèmes appartient le plus souvent à des spécialistes en technologie, comme des programmeurs, note Federico Puebla. Comme nous travaillons à des enjeux sociaux, nous avons voulu établir une expérience impliquant les personnes concernées et créer un modèle socialement responsable. »
Ainsi a vu le jour le Coopérathon, avec la coopération comme oxygène des idées. Chaque projet vient de la collaboration de personnes de divers domaines.
D’ailleurs, il s’agit d’un travail de terrain qui a conduit à la définition des enjeux explorés par le Coopérathon. À titre d’exemple, Federico Puebla évoque un groupe d’agriculteurs et d’agricultrices cherchant à intégrer l’intelligence artificielle (IA) dans ce secteur et qu’il a entendu l’année dernière avec son équipe. Aujourd’hui, le Coopérathon se concentre sur six principaux thèmes : la santé, l’éducation, l’écologie, l’énergie, l’agriculture et la finance inclusive. « La santé et l’éducation constituent les enjeux les plus populaire, les plus intéressants, relève Federico Puebla. Pour les citoyennes et les citoyens, l’éducation de sa famille, de ses enfants constitue une préoccupation incontournable. En ce qui a trait à l’intelligence artificielle, la vulgarisation du concept se poursuit parmi la population et le Coopérathon a mis au point divers produits qui y sont dédiés : l’année dernière, l’intérêt qu’il suscitait s’approchait de celui de la santé lors de l’événement et il s’annonce comme le centre de l’attention en 2019. Malgré le haut niveau de scolarisation qui prévaut au Canada, une personne sur trois se trouve aux prises avec des dettes et cela dénote d’un besoin d’éducation financière. Grâce à l’IA, nous développons cette année des projets qui visent à innover en ce sens. »
Angles d’impact
En juillet dernier, lors du Starupfest Montréal 2019, un membre de l’équipe du Desjardins Lab, Patricio Gutiérrez – hispano-canadien d’origine chilienne – évoquait à Hispanophone la perspective d’investir l’Amérique latine. Une série d’échanges avaient été entrepris avec des partenaires, mobilisant entre autres des institutions d’Argentine, du Brésil et du Pérou. C’est finalement à Valparaíso, au Chili qu’aura lieu la quatrième édition du Coopérathon, avec l’institution financière Coopeuch. Une occasion qui se présente comme déterminante pour créer de nouveaux liens, dans le but de développer le talent et l’impact social de ses projets. L’annonce aux médias en a été faite en août. Cette première édition latino-américaine, qui s’amorce le 25 novembre aborde trois principaux thèmes, qui s’inscrivent dans les objectifs de développement durable des Nations Unies : la santé, l’écologie et la finance inclusive. Durant 25 jours, les équipes inscrites participeront à des ateliers spécialisés et de nombreux échanges de travail. Un chantier qui doit se conclure par la « grande finale » du Coopérathon, où seront mis à l’honneur des projets particulièrement dignes d’impact social au Chili. « Nous aspirons à des projets qui peuvent se traduire au plan local ou communautaire et même, pourquoi pas, au plan régional ou national, a déclaré Oscar Roa, directeur régional de Coopeuch, qui assure la promotion du projet avec diverses institutions. Cette première édition du Coopérathon en Amérique latine peut être une occasion de créer des ponts en abordant des enjeux sociaux profonds, comme la pauvreté, soulève M. Roa. Au Canada, le taux de pauvreté constitue l’un des plus bas de la planète. Cependant, qu’est-ce qui distingue une personne pauvre au Canada de celle d’un autre pays ? »
« Si nous arrivons à voir les enjeux sociaux sous l’angle d’autres sociétés, il devient possible de développer des perspectives qui s’ajustent à nos manières de faire, souligne Federico Puebla. Un tel échange comporte un potentiel unique d’impact social – nous dit le leadeur en innovation, établi depuis longtemps au Canada et originaire d’Argentine. L’hispanocanadien voit bien toute la valeur de ce Coopérathon qui s’apprête à prendre place en Amérique latine. À quelques pas du café où il m’en parle, d’autres leadeurs en innovation s’activent. Autant de liens inspirants et qui sait, cette fin d’après-midi leur soufflera peut-être une nouvelle idée. La bonne idée.
César Salvatierra est bachelier en Études hispaniques de l’Université de Montréal. Spécialiste dans la promotion de la culture hispano-américaine au Québec, il est rédacteur et agent aux relations publiques pour Hispanophone. Plus d’articles de l’auteur
Alexis Lapointe est étudiant au Certificat en journalisme à l’Université de Montréal. Journaliste pigiste, il donne voix par ses articles à sa passion pour la langue et les cultures hispaniques. Il fait de la traduction de l’espagnol au français pour Hispanophone. Lire plus d’articles de l’auteur.
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