Drag-queen de 21 ans, Helena Adamas s’adonne avec ferveur à sa passion aujourd’hui. Portrait d’une artiste qui fait du burlesque, un théâtre libérateur à Montréal.
Par Ambre Giovanni
« Je suis devenue une drag-queen, car j’adore ça. J’aime voir les résultats à la fin de la transformation. À chaque fois, je me dis « Wow, je suis passée de mon visage d’homme… à ça ! » Âgée de 21 ans, Helena Adamas est arrivée à Montréal lorsqu’elle avait dix ans. Originaire du El Salvador, elle s’adonne aujourd’hui avec une grande ferveur à sa passion.
C’est au Cabaret Mado, boîte de nuit festive défiant les genres à Montréal, qu’elle a vu des drag-queens pour la première fois. « J’étais avec des amis. J’ai vraiment adoré. C’était hallucinant et amusant. J’étais crampée de rire. C’était merveilleux », dit-elle. Peu de temps après, son ex-copain l’entraîne dans ce milieu de performances burlesques. « Il m’a maquillé pour le fun et j’ai aimé la façon dont j’ai vu mon visage, les couleurs et les découpes du maquillage. Je me suis dit qu’il fallait qu’il m’apprenne à faire ça », confie-t-elle. Dès lors, être une drag-queen s’est inscrit à la fois comme une personnification et une véritable performance. Elle déclare : « Helena Adamas est un personnage que j’ai créé, ayant son propre rôle. Il s’agit de l’appropriation d’une deuxième facette, une sorte de deuxième personnalité. » À ce propos, son expérience théâtrale l’a aidé à gérer sa timidité face au public. « Sans cela, qui sait, j’aurais peut-être encore le micro dans les deux mains, figée sur place à ne pouvoir rien dire », déclare-t-elle.
Simple performance ou réaffirmation de son identité sexuelle ? Si elle apprécie son allure féminine, elle se perçoit pourtant comme un homme. Elle raconte : « Je ne me sens pas femme, je me sens homme. J’adore uniquement le résultat. J’aime montrer ma double apparence et donner l’impression au public de rencontrer deux personnes complètement différentes. C’est la transformation qui m’a beaucoup fait aimer ce domaine. » D’ailleurs, cette métamorphose a été rendue possible grâce à une réelle entraide au sein de la communauté drag-queen. « Mon ex-copain m’a fait découvrir qu’en mettant de la poudre bronzante autour du nez, cela lui donne une plus jolie forme. Et en le faisant arriver jusqu’aux sourcils, cela donne l’impression d’avoir un plus grand œil. Finalement, je ne montre jamais mes sourcils d’homme, je les cache et en dessine d’autres plus haut », confie-t-elle.
Cabaret des renaissances
Après une période creuse, sa participation au concours Miss Cocktail en janvier 2019 au bar Le Cocktail à Montréal a été une véritable « renaissance » selon ses dires. Privée d’une situation financière stable durant des mois, son nouvel emploi lui a permis d’inverser la tendance. En effet, le maquillage, les vêtements et les perruques coûtent cher. De plus, aucune rétribution n’est versée dans le cadre des concours. Et si salaire il y a lors des soirées rémunérées, il ne représente souvent que 60% des dépenses effectuées. Ainsi, un de ses buts est de gagner sa vie grâce à cette activité. Pour ce faire, elle réalise des contrats de maquillage pour d’autres drag-queens, annonçant une suite prometteuse.
Cependant, l’aspect financier n’est pas le seul obstacle rencontré. En effet, provenant d’un milieu évangélique, elle a connu des réticences de la part de sa mère. Elle témoigne : « D’après la Bible, selon ma mère, être une drag-queen est contre nature. Mais selon moi, Dieu aime tout le monde donc où est le problème ? Elle est très pratiquante tandis que moi je ne le suis pas. Je crois en Dieu, mais je ne vais pas aussi souvent à l’église que ma mère y va. » Sa scolarisation à Montréal lui a permis d’appréhender différemment la religion et surtout de s’affirmer; un processus qui s’exprime à travers le prisme de la drag-queen. Finalement, l’opinion de sa mère ne l’a pas empêché de faire ce qu’elle aime. « Chaque décision que l’on prend n’implique que soi et il en va de même des conséquences qui en découlent, qu’elles soient positives ou négatives. Il faut juste les assumer », dit-elle.
Dès lors, une meilleure reconnaissance des drag-queens au El Salvador est un point souligné par Helena Adamas. Celle qui prend tant de plaisir à créer, à rire et à participer aux spectacles s’interroge : « Si une femme a le droit de s’habiller en homme, alors pourquoi un homme ne pourrait-il pas s’habiller en femme ? » Effectivement, alors que les drag-kings sont socialement acceptés là-bas, s’habiller en femme suscite bien des critiques. Il en va de même pour la communauté LGBTQ qui reste dans son ensemble méconnue. À ce titre, Helena Adamas n’a jamais fait part de son homosexualité à sa famille demeurant au El Salvador, attachée à des valeurs traditionnelles. Elle ne se prive pourtant pas de publier des contenus orientés sur les réseaux sociaux et son profil Facebook de drag-queen est public. Libre à eux de le découvrir… ou pas !