Avec des musiques aux influences multiples et brillamment réunies par le musicien Roberto López, un collectif de 71 artistes montréalais envoie un puissant message de solidarité au mouvement social actuel de Colombie avec la pièce El Grito.
Par Alexis Lapointe
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Colombie, 28 avril. Chants, demandes de justice, de paix et d’égalité des chances contre une réforme de l’impôt, des millions de citoyens manifestent dans toute la Colombie. En réponse, ils reçoivent une répression d’une violence inédite. Les nouvelles de chagrin et d’indignation traversent les frontières.
« J’étais il y a quelques semaines en train de pratiquer une création solo, la douleur m’habitait et je me suis dit que je devais faire signe à d’autres, raconte Carmen Ruiz, chorégraphe à l’origine de l’appel aux artistes de Montréal. Nous nous inspirons des nombreuses initiatives artistiques qui prennent actuellement leur essor en Colombie. »
Un appel à l’engagement qui s’exprime dans la puissance et l’éloquence des voix de Stéphanie Osorio et Juan Quiros (Bumaranga), Juan Sebastian Mejia (Gypsykumbia Orchestra), Mateo et au fil des paroles engagées de Julian Arroyo aka Sencillo Renovante (Guasa Guarriors), Ramon Chicharron et LRO.
L’œuvre atteint d’autant plus le cœur grâce aux créations de talentueux artistes de la danse contemporaine comme Carmen Ruiz, Andrea Nino et Luis Cabanzo. Assurément, il s’agit de la première fois que ces noms qui se distinguent au Québec s’expriment aussi clairement en relation avec la Colombie.
El Grito se traduit bien en scènes poétiques et chorégraphiques ponctuées d’images de prestations et de séquences d’une manifestation artistique ayant eu lieu le 29 mai dernier au parc Jeanne-Mance.
Moment crucial
« Il s’agit d’un moment crucial, historique et c’est pour cette raison que nous nous sommes solidarisés », dit Roberto López, musicien au parcours d’une envergure exceptionnelle et monteur de la pièce.
« Cette crise pourrait se retourner de différentes manières, ajoute-t-il. Nous avons espoir que ce soit pour le meilleur. »
Roberto López, qui se distingue par ses œuvres où le rock, le jazz et le hip hop se conjuguent à des influences de cumbia et de rythmes afro-colombiens, mentionne que l’œuvre témoigne de la richesse de cette rencontre artistique.
« Je tenais à ce que chaque artiste soit entendu et l’œuvre se présente un peu comme un voyage, des rythmes du Pacifique à ceux des Caraïbes, indique le grand compositeur montréalais. Il s’agit d’une œuvre créée avec un sentiment d’urgence et qui nous a permis de renouer avec la musique engagée. »
Métaphores puissantes
À Montréal, Daniel Rodriguez explore comme musicien et DJ les rythmes des musiques du Pacifique. D’ailleurs, il se trouve à l’origine de diverses initiatives qui en célèbrent la richesse et il entretient des collaborations avec plusieurs artistes de la région de Cali, où les manifestations font l’objet d’une dure répression.
« Cette région est une de celles qui s’affirment depuis longtemps avec le plus de dignité, soulève-t-il. Je trouve que résonne de manière particulièrement juste cette métaphore de la paix qu’il y a dans l’expression de musiques du Pacifique. »
« Nous sommes une communauté transnationale et nous souffrons de cette situation malgré la distance, dit-il. Nous avons senti qu’un cri de résistance était nécessaire pour que notre solidarité résonne jusque là-bas. »
Par ailleurs, El Grito fait appel à développer une vive mobilisation internationale afin de dénoncer les violations des droits humains : preuve que la solidarité réunit aussi à la communauté au-delà de ses frontières.
Actuellement, le collectif prépare la publication d’un manifeste qui devrait paraître bientôt.
À titre de journaliste indépendant et de rédacteur professionnel, Alexis Lapointe met en lumière l’innovation artistique à Montréal. Contact: revista@hispanophone.ca