Vouloir faire une différence dans la vie des autres, malgré la pandémie

José Israel Reyes a fondé sa compagnie Talent Actif Continental en 2018, au terme d’un virage professionnel à 360 degrés. Photo: Marie-France Coallier, Le Devoir
Par Karla Meza, Initiative de journalisme local (IJL)
Source: Le Devoir

José Israel Reyes s’est fait couper l’herbe sous le pied lors de la fermeture des frontières canadiennes le printemps dernier. S’accrochant à son désir « de faire une différence dans la vie de gens », il a réinventé ses méthodes pour maintenir à flot son agence de recrutement de main-d’œuvre à l’étranger.

« Je ressens une grande satisfaction quand les personnes obtiennent leur permis pour venir travailler au Canada. Je sais que cela aura un effet très positif dans leur vie et sur celle de leur famille », lance l’entrepreneur de 39 ans en entrevue.

M. Reyes a fondé sa compagnie Talent Actif Continental en 2018, au terme d’un virage professionnel à 360 degrés. « J’avais un travail stable et une retraite assurée, mais je me sentais comme un mort-vivant », confie celui qui a travaillé pendant sept ans au quartier général de la Sûreté du Québec puis au Centre de détention provincial à Montréal.

« C’étaient des postes assez routiniers, alors que moi, je suis quelqu’un de créatif ! s’exclame-t-il. Je voulais donner un nouveau sens à ma vie en aidant d’autres personnes. »

La décision de lancer sa propre firme de recrutement de travailleurs internationaux s’est rapidement imposée, alors que le Québec vit depuis longtemps une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs de son économie. Sans compter qu’une telle compagnie lui permettrait d’améliorer le sort de personnes au Mexique, d’où il est originaire.

« Je me suis dit qu’il fallait que je mette à profit mes 30 années passées au Canada », résume le résident de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, arrivé au pays à l’âge de 9 ans avec sa famille.

Basée à Laval, Talent Actif Continental s’occupe non seulement des démarches d’immigration, mais également de l’accueil, de l’installation et de l’intégration des travailleurs recrutés. M. Reyes tient à offrir un service « clé en main » aux employeurs qui font appel à ses services.

Quant aux emplois que vise à combler la firme, ils sont divers et variés. Ils vont de l’industrie alimentaire à la santé, en passant par les métiers spécialisés, tels que soudeurs, mécaniciens industriels ou encore foreurs.

Puis frappe la pandémie

En mars 2020, la décision du gouvernement Trudeau de fermer les frontières canadiennes aux ressortissants étrangers bouleverse le processus d’embauche de plusieurs candidats recrutés par la firme de M. Reyes. Des travailleurs originaires du Mexique étaient notamment sur le point de s’envoler vers le Québec.

C’était le cas de Gerardo Najera, joint par Le Devoir à Guadalajara où il vit aujourd’hui avec sa conjointe et son nouveau-né. Il venait à l’époque de signer un contrat de travail de deux ans comme mécanicien industriel pour une compagnie de construction à Thetford Mines.

Le 30 mars, son avion se pose à l’aéroport de Dorval. Le Québec concentre alors près de la moitié des cas de coronavirus recensés au pays. Contre toute attente, une fois arrivé aux douanes, on lui refuse l’entrée au Canada.

Pourtant, tout était prêt et en règle, insiste José Israel Reyes. « Tout ce qu’il restait à faire aux agents à l’immigration, c’était d’imprimer le permis de travail. Ils n’ont pas voulu le faire parce qu’il n’était pas considéré comme un travailleur essentiel. »

Gerardo Najera reçoit la décision comme un coup de massue, lui qui avait quitté son emploi au Mexique avant de plier bagages pour le Québec. « J’ai dû rentrer chez moi et accumuler des dettes pendant cinq mois, avant de trouver un nouvel emploi », relate-t-il au bout du fil.

Se retrousser les manches

Talent Actif Continental a dû recommencer les démarches pour l’obtention du permis de travail de M. Najera par le biais d’une avocate en immigration. Un an plus tard, le père de famille attend d’un jour à l’autre la confirmation de la délivrance de son permis, pour pouvoir venir au Canada avec sa femme et son bébé.

« Notre client a été très compréhensif et patient malgré les embûches que nous avons rencontrées », souligne M. Reyes.

Malgré ces mésaventures, ce dernier ne s’est pas laissé abattre par les défis posés par la pandémie de COVID-19 pour son entreprise. Tout récemment, il a cofondé l’Institut de Formation Talent International au Mexique, filiale de sa firme au Québec, qui offrira des cours de français et d’anglais aux candidats embauchés.

« Nous souhaitons former les candidats au niveau linguistique, mais aussi en matière de culture et de mode de vie au Québec, dans le but de faciliter leur intégration dès leur arrivée », explique M. Reyes.

Il a par ailleurs décidé en novembre dernier d’organiser deux salons de recrutement virtuels. Au total, 20 entreprises y ont participé et 187 candidats ont été retenus pour embauche potentielle au Mexique, en Europe et en Afrique, dans les domaines de la santé et des métiers spécialisés.

« Le niveau de satisfaction des participants était très élevé, se réjouit-il. Nous aimerions développer davantage cette formule pour faire le maillage entre employeurs et employés potentiels. »


Karla Meza es diplômée en administration des affaires (ITESM, Mexique), enquête et renseignement et journalisme (UdeM), Karla Meza débute sa carrière comme journaliste indépendante en 2019 s’intéressant davantage aux enjeux liés à la migration forcée et aux défis des communautés marginalisées au Canada, au Moyen-Orient et en Amérique latine. Passionnée du storytelling audiovisuel, elle a réalisé et produit un documentaire indépendant portant sur la situation des réfugiés syriens au Liban, ainsi que des courts vidéo-reportages dont un portant sur la résilience des femmes autochtones au Sud du Mexique. Journaliste attitrée à l’immigration en région pour le journal «Le Devoir» depuis octobre 2020.