Par Karla Meza, Initiative de journalisme local (IJL)
Source: Le Devoir
La dernière année n’a pas été de tout repos pour Natalia Burgos Romero et son rêve d’une académie de danse bien à elle.
Quand la pandémie a frappé l’an dernier, la chorégraphe d’origine colombienne Natalia Burgos Romero venait tout juste d’ouvrir son école de danse à Thetford Mines, un projet qu’elle chérissait depuis son arrivée au Québec il y a trois ans. Si elle a dû suspendre ses activités, elle ne s’avoue pas vaincue pour autant, pouvant compter sur le plein soutien de sa communauté d’accueil.
Pour Mme Burgos, la danse, c’est toute sa vie. Dès l’âge de 3 ans, elle a été initiée au ballet classique par sa mère, elle-même danseuse formée dans l’une des meilleures écoles de Colombie.
Adolescente, elle enseigne sa passion dans les écoles d’Ibagué, sa ville natale. Et comme de raison, elle reprend en 2010 les rênes de l’académie de danse de sa mère, véritable institution ouverte depuis 30 ans.
Natalia Burgos Romero offre en parallèle des cours aux jeunes de la rue, aux prises avec des problématiques. «Pour moi, l’art n’est pas une affaire d’argent. L’humain a toujours été au centre de mon enseignement», insiste-t-elle.
Or, le climat de violence et l’insécurité qui règne en Colombie la pousse à vouloir tout quitter. En novembre 2017, elle s’envole avec son mari et ses deux fillettes pour le Québec, avec cette promesse d’une vie meilleure.
La famille pose d’abord ses valises à Laval, mais déménage un an et demi plus tard à Thetford Mines. « Nous n’avons pas aimé la ville, car nous étions habitués à vivre à la campagne », confie Mme Burgos, qui avoue avoir été séduite par la région de Chaudière-Appalaches avant même d’y mettre les pieds.
Une fois là-bas, la mère de famille renoue rapidement avec sa passion. Mais les quelques heures d’enseignement de danse dans une école privée et à la Maison de la culture ne suffisent pas pour lui permettre d’en vivre. Elle songe donc à ouvrir sa propre académie.
« Plusieurs personnes ont voulu me décourager en me disant que ce serait compliqué d’ouvrir une école de ballet dans le coin, car les gens ici préféraient un autre type de danse, mais je ne me suis pas laissé influencer », lance Mme Burgos, qui est douée aussi au violoncelle.
« Natalia avait envie de fonder son entreprise, mais elle manquait de moyens financiers pour le faire. Alors, nous l’avons aidée à trouver la subvention nécessaire pour qu’elle puisse ouvrir son académie », explique Eva Lopez, fondatrice et directrice générale de l’organisme Intégration communautaire des immigrants (ICI) établi à Thetford Mines depuis 2003.
Par le biais d’Eva Lopez, celle-ci rencontre Germain Beaudry, agent de développement et de suivi à la Société d’aide au développement de la collectivité de L’Amiante (SADC). Cette rencontre donne le coup d’envoi à sa carrière entrepreneuriale.
« Étant donné que Mme Burgos ne parlait ni français ni anglais, nous avons eu recours à l’organisme ICI pour traduire des documents et des conversations, ce qui nous a permis de l’aider et de lui accorder un premier prêt », dit M. Beaudry.
« On m’a accordé d’abord un prêt de 2500 $ qui m’a permis d’acheter et d’installer des miroirs sur les murs du local que j’ai loué », se réjouit Mme Burgos, se disant également reconnaissante du soutien fourni par la propriétaire du local, qui a fait les aménagements nécessaires pour que son école puisse voir le jour.
L’école de danse Je t’aime Canada — clin d’œil à l’amour qu’elle porte à son pays d’adoption — voit le jour en septembre 2019. Durant ses six premiers mois d’activité, l’école a accueilli une trentaine d’élèves, mais l’arrivée de la COVID-19 a obligé Mme Burgos à fermer temporairement ses portes.
« Le conseil d’administration a été sensibilisé aux besoins du projet de Mme Burgos, étant donné que les écoles de danse ne sont pas admissibles aux programmes d’aide financière du gouvernement. Nous avons analysé ses besoins en fonds de roulement et déterminé l’aide dont elle avait besoin pour que son entreprise puisse survivre », explique M. Beaudry. « Nous continuerons à soutenir Mme Burgos dans les mois à venir, si la pandémie continue à l’empêcher de reprendre ses activités », ajoute-t-il.
En partenariat avec Développement économique Canada, la SADC a mis au point un programme de prêts pour les entreprises de la région délaissées par le gouvernement, avec des modalités semblables au compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC). Près de 120 personnes immigrantes ont reçu son soutien au cours des trois dernières années, soit par le biais d’un prêt, de l’accompagnement ou du soutien au réseautage.
En 2019-2020, la SADC a octroyé 85 prêts totalisant 4 millions de dollars aux entreprises dans la MRC des Appalaches, dont la moitié était accordée pour le démarrage ou l’achat d’une entreprise par l’intermédiaire de leurs programmes destinés aux jeunes et aux femmes.
De 5 à 6 % des prêts au démarrage d’entreprises sont accordés annuellement à des personnes immigrantes. M. Beaudry soutient que les nouveaux programmes d’immigration en région permettront d’augmenter davantage ce pourcentage, car la région est reconnue pour avoir des frais de prêts fixes abordables, depuis que plus d’immigrants s’y installent.
Karla Meza es diplômée en administration des affaires (ITESM, Mexique), enquête et renseignement et journalisme (UdeM), Karla Meza débute sa carrière comme journaliste indépendante en 2019 s’intéressant davantage aux enjeux liés à la migration forcée et aux défis des communautés marginalisées au Canada, au Moyen-Orient et en Amérique latine. Passionnée du storytelling audiovisuel, elle a réalisé et produit un documentaire indépendant portant sur la situation des réfugiés syriens au Liban, ainsi que des courts vidéo-reportages dont un portant sur la résilience des femmes autochtones au Sud du Mexique. Journaliste attitrée à l’immigration en région pour le journal «Le Devoir» depuis octobre 2020