Par Karla Meza, Initiative de journalisme local (IJL)
Source: Le Devoir
Loin de leur famille et sans un réseau de soutien établi, les femmes immigrantes qui mettent en pause leurs projets personnels et professionnels pour avoir des enfants peuvent se retrouver sans repère lorsqu’elles souhaitent réintégrer le marché de travail. Le service spécialisé d’aide à l’emploi Panorama mis en place par l’organisme Espace Carrière à Saint-Hyacinthe vise à les outiller et à les soutenir dans leur processus d’intégration à la société québécoise.
« Le programme Panorama permet d’acquérir une connaissance approfondie d’elles-mêmes, de se fixer des objectifs et d’établir un plan pour les atteindre », dit Celena Meneses, conseillère en développement professionnel au sein de l’organisme depuis 2018. « Elles ont l’occasion de se découvrir, d’apprivoiser leur communauté d’accueil, de s’imprégner de sa culture scolaire et professionnelle et d’en apprendre les rouages pour réussir à se projeter dans l’avenir. »
Diplômée en psychologie, Mme Meneses a exercé comme professeure de psychologie infantile et psychologue clinique dans le système de santé privé en Colombie. Elle détient également un diplôme en intervention comportementale de l’UQAM. « Comme immigrants, nous avons trois types d’intégration à faire : culturelle, personnelle et professionnelle. Ce processus est parfois lourd, mais mon but est d’encourager ceux qui arrivent à mon bureau avec plein de questions à ne pas abandonner et les aider à trouver le chemin pour y arriver », signale Mme Meneses, qui est en processus d’obtention de son permis comme consultante accréditée en immigration du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (CRCIC).
En 2019, 20 femmes ont pu profiter du programme Panorama, dont 65 % provenant de l’Afrique et 35 % de l’Amérique latine. 18 % des participantes se trouvaient au Canada depuis moins d’un an, 65 % depuis moins de 5 ans et 17 % depuis plus de 5 ans. Quant à leur statut migratoire, 80 % étaient des réfugiées, 15 % étaient parrainées et 5 % étaient des travailleuses qualifiées.
Croissance personnelle
Johana Leiton a participé au programme en 2019. L’ancienne opératrice en contrôle de qualité a quitté sa Colombie natale en octobre 2016 avec son mari José — assistant soudeur — et leurs deux garçons, souhaitant s’éloigner de la violence qui persiste au pays.
« Mon mari et moi avons commencé notre cours de francisation un mois après notre arrivée à Saint-Hyacinthe, car nous étions convaincus que l’apprentissage de la langue était la clé pour réussir notre intégration », soutient la mère de famille de 39 ans, qui a dû interrompre ses études pour donner naissance à sa fille Samara. Ne trouvant pas de place en garderie, Johana est restée à la maison avec elle plus de deux ans. Ayant entendu parler d’Espace Carrière dans son cours de français, elle rencontre Celena Meneses qui lui conseille de s’inscrire au programme Panorama, d’une durée de cinq semaines.
« Pour moi, ce fut un cours de croissance personnelle. On m’a rappelé que je suis importante et on m’a aidée à réaliser que je suis capable de travailler pour atteindre mes objectifs personnels même si j’ai d’autres obligations à remplir », nous confie-t-elle, précisant qu’elle a particulièrement apprécié l’arrangement offert par l’organisme aux mamans des jeunes enfants. « Ils ont adapté un espace pour que nos enfants puissent jouer et dormir pendant que nous assistions au cours. »
Elle se dit reconnaissante d’avoir eu cette occasion et se réjouit d’avoir atteint plusieurs de ses objectifs depuis la formation. « Je suis particulièrement fière d’avoir appris à conduire et d’avoir obtenu mon permis de conduire dans le délai que je me suis fixé. Quand je l’ai eu en main, je l’ai regardé, incrédule ! ». Ayant pu trouver une place en garderie, Johana poursuit actuellement son cours de francisation au Centre de formation des Maskoutains jusqu’au printemps 2021.
Se frayer un chemin alternatif
« Nous sommes venus vivre à Saint-Hyacinthe grâce à des amis algériens qui ont tout préparé pour nous à l’avance, même notre logement ! » explique Radhia Allouti, arrivée de l’Algérie en juin 2019 avec son mari Samir et sa fille aînée Farah, après dix ans de démarches administratives pour obtenir leur résidence. Diplômés en Ingénierie biologique, elle et son mari réussissent à obtenir leurs équivalences de premier cycle quelques mois après leur arrivée.
Son mari décroche un emploi dans une compagnie de probiotiques, mais elle, étant enceinte de sa fille Sara, reste à la maison et se concentre sur l’enseignement du français à leur fille aînée. « J’ai suivi ensuite une formation en lancement d’entreprise axée sur le milieu de garde et je travaille depuis quelques mois comme éducatrice en service de garde. Je souhaite un jour pouvoir travailler au laboratoire de l’école afin de me rapprocher de mon domaine », indique l’Algérienne originaire de la commune de Barbacha, affirmant avoir reçu beaucoup de soutien de la part de Mme Meneses dans la planification de son cheminement professionnel.
Ayant suivi également la formation de Panorama, elle reconnaît sa contribution à son parcours d’intégration. « J’ai rencontré des femmes de Tunisie, du Sénégal, du Portugal et de Colombie. Nous avons pu partager notre culture et nos traditions et tisser des liens. La formation nous a orientées sur plusieurs domaines pour pouvoir prendre des décisions en matière d’études, de carrière et même de gestion financière. Espace Carrière est maintenant comme notre deuxième maison ! » lance Mme Allouti, qui poursuit actuellement un AEP en éducation en service de garde en milieu scolaire qu’elle terminera en mai 2021.
Karla Meza es diplômée en administration des affaires (ITESM, Mexique), enquête et renseignement et journalisme (UdeM), Karla Meza débute sa carrière comme journaliste indépendante en 2019 s’intéressant davantage aux enjeux liés à la migration forcée et aux défis des communautés marginalisées au Canada, au Moyen-Orient et en Amérique latine. Passionnée du storytelling audiovisuel, elle a réalisé et produit un documentaire indépendant portant sur la situation des réfugiés syriens au Liban, ainsi que des courts vidéo-reportages dont un portant sur la résilience des femmes autochtones au Sud du Mexique. Journaliste attitrée à l’immigration en région pour le journal «Le Devoir» depuis octobre 2020.