L’enseignement des langues axé sur la communication, est-il efficace ?

C’est en communiquant et en parlant qu’on apprend à communiquer et à parler. C’est de cette façon que nous acquérons notre langue maternelle. Cependant, lorsqu’il s’agit du français ou d’une langue tierce, la grammaire et la correction de la forme, deviennent des éléments essentiels. L’approche communicative mettant l’accent sur la forme, est l’approche qui fait consensus dans le milieu de l’enseignement des langues étrangères. C’est important de communiquer mais avec encadrement. Les recherches le confirment : La communication est le principal outil permettant d’acquérir une langue. Qu’il s’agisse d’une langue première, seconde, étrangère ou tierce, c’est toujours la communication le moteur qui permet d’acquérir et d’améliorer les  performances de la langue cible. Cela dit, c’est aussi en étudiant la grammaire et en se faisant corriger, que les apprenants des langues autres que la première, améliorent leurs habiletés langagières.

Par Pablo Bustamante

Tel que mentionné précédemment, la communication est l’ingrédient principal parmi d’autres qui sont à ne pas négliger. En effet, il faut ajouter aussi la correction de la forme grammaticale et l’enseignement de la grammaire au processus communicatif, car c’est en jumelant ces deux éléments, grammaire et communication, de façon appropriée qu’on pourra obtenir de meilleurs résultats.

Lorsqu’on parle de la correction de la grammaire on fait allusion à un enseignement préalable de celle-ci. Effectivement, on ne peut corriger que ce qu’on a enseigné, de ce fait, l’enseignement et la correction de la grammaire deviennent deux éléments clé pour l’enseignement des langues secondes. La grammaire constitue l’élément qui structure les langues car elle comprend l’ensemble des règles permettant le fonctionnement d’une langue, c’est pour ainsi dire, la colonne vertébrale des langues. C’est essentiel d’enseigner la grammaire de façon explicite[1], pour donner des repères précis aux apprenants des langues secondes ou tierces.

D’après cela, nous disposons de deux volets principaux: la communication et l’introduction de concepts grammaticaux de la forme. Le problème se situe sur comment corriger et comment enseigner la grammaire sans pour autant, nuire au processus communicatif? Ce qui ressort des recherches[2] est que la correction doit se faire de façon quasi simultanée à l’erreur commise.

Avant de mettre l’accent sur les techniques précises et les meilleurs moments pour effectuer l’enseignement et la correction de la grammaire, voyons un peu l’évolution de l’enseignement des langues secondes au fil du temps. 

Les origines de l’approche communicative

L’approche communicative connaît ses débuts avec la grammaire générative instaurée par le linguiste Noam Chomsky[3] qui, après avoir observé la façon dont les bébés acquièrent leur langue première, esquisse l’hypothèse voulant que le langage est une faculté exclusive et spécifique à l’espèce humaine peu importe la race, la langue ou la géographie. Il parle de la «faculté du langage», qui s’active grâce à un dispositif spécifique à l’acquisition des langues (« Language Acquisition Device », en anglais).

Chomsky a constaté que les bébés apprennent leur langue maternelle en peu de temps malgré des stimuli assez restreints. En un peu plus d’une année un être humain est capable de maîtriser assez efficacement de complexes règles grammaticales, qu’on ne connaît qu’implicitement. Cela dit, on a observé quand même certains comportements automatiques menant à l’acquisition et à la maîtrise de la langue. Le plus important étant la communication, qui se manifeste sous plusieurs formes mais toujours de façon omniprésente. 

L’approche communicative sans grammaire

C’est à partir de ce constat que Krashen[4] propose la communication intensive sans aucune intervention ni correction. Selon Krashen, la communication doit s’avérer le seul outil permettant l’acquisition d’une langue seconde. Il s’inspire des bébés vis-à-vis la façon dont ces derniers acquièrent leur langue première, c’est-à-dire en pratiquant des gestes communicatifs en permanence. Mais les apprenants des langues secondes ne sont plus des bébés, ce qui rend l’apprentissage d’une langue seconde plus ardu. Malgré cela, les résultats connus par Krashen ont été assez encourageants car on a constaté des progrès importants chez les apprenants des langues secondes concernant leurs capacités communicatives. Cependant, de nombreux cas fossilisation ont aussi été observés. Ce dernier point pose un problème car l’objectif d’enseignement n’est pas atteint de manière satisfaisante. Bien au contraire, un cas de fossilisation implique l’impossibilité de corriger des erreurs formelles fortement enracinées.

Approche communicative avec l’accent sur la forme

Afin d’éviter les cas de fossilisation, l’approche communicative doit mettre l’accent sur la forme grammaticale, tout en préservant l’objectif de communication comme l’élément principal pour l’enseignement  d’une langue. L’objectif communicatif reste donc le même, mais cette fois-ci avec une dose de grammaire ainsi que la possibilité de l’intervention immédiate de l’enseignant en cas d’erreur. Ce dernier doit intervenir afin de corriger les erreurs de l’apprenant de façon instantanée, afin d’obtenir de meilleurs résultats.

L’approche communicative avec correction de la forme grammaticale, est l’approche qui fait consensus aujourd’hui parmi les chercheurs et les enseignants des langues secondes. Il est clair qu’en 2017 la tâche principale d’un enseignant de langue seconde n’est pas d’enseigner la grammaire mais de favoriser les processus communicatifs à l’intérieur de la classe. Cela dit, un enseignement moderne ne peut non plus, en aucun cas négliger ni sous-estimer la valeur  de la grammaire. Celles-ci, jumelée à des occasions constantes de communication et d’interactions s’avère chez les apprenants des langues secondes ou étrangères, un outil important dans le processus d’acquisition d’une nouvelle langue.

Conclusion :

Comme le modèle d’efficacité reste le processus d’acquisition des langues premières, on cherche à l’imiter dans la mesure du possible. Chez les apprenants des langues premières, la communication est automatique et se produit à partir de mécanismes naturels. En classe de langue seconde c’est à l’enseignant d’induire la communication. Cela dit, l’apprenant ne sera pas laissé à lui-même, Il devra être encadré par l’enseignant autant pour l’enseignement de la grammaire que pour la correction instantanée des erreurs. Tout ceci, en gardant la communication comme l’objectif principal.

Mais pour créer les conditions idéales à la communication, le mot clé est la motivation: Une classe avec des activités variées, et des ressources diverses, va contribuer fortement à inciter les processus communicatifs. Parmi les ressources les nouvelles technologies peuvent s’avérer efficaces et séduisantes pour les jeunes générations souvent enclines à l’emploi de gadgets technologiques. Le multimédia ainsi qu’internet sont très appréciés des jeunes, des sites comme YouTube, dailymotion, Netflix, entre autres, attirent leur attention et leur temps[5]. Il y a également des sites de jeux, tout comme des tests ou des exercices en ligne, interactifs en rapport à l’apprentissage de la langue cible qui peuvent enrichir l’environnement et les possibilités pour l’apprentissage d’une nouvelle langue. Bref, réveiller l’intérêt des apprenants est un levier et un outil fort important, la motivation crée des occasions d’interaction et favorise la communication et les apprentissages.

Références

[1] Ellis, R. (1994). The study of second language acquisition. Oxford: Oxford University Press

[2] Ellis, R., Loewen, S., & Erlam, R. (2006). Implicit and explicit corrective feedback

and the acquisition of L2 grammar. Studies in Second Language Acquisition, 28,

339–368.

[3] Chomsky, Noam. 1965. Aspects of the theory of syntax. Cambridge, Massachusetts: MIT Press.

[4] Krashen, S.D. (1985), The Input Hypothesis: Issues and Implications, New York:

Longman.

[5] Tomé, M. (2016) Compétences orales et nouvelles technologies dans un cours de français

langue étrangère. Çédille. Revista de estudios franceses, nº 12, pp. 387-401. Repéré à

http://cedille.webs.ull.es/12/20tome.pdf


Pablo Bustamante : Maîtrise en Éducation à l’Université de Montréal. Majeur en études hispaniques à l’Université de Montréal. Professeur de français Langue Seconde. Journaliste avec expérience à l’Unesco en Espagne et en Amérique Latine. Expérience en recherche sur l’apprentissage des langues, conférence et publication d’articles portant sur le sujet dont Revue Dire (Bustamante, 2012). Autres intérêts : la science et la technologie, la linguistique, l’histoire, la musique et l’art en tant qu’éléments culturels.