Cómo traduje al francés un cuento de Cortázar

Fuente: elbuenlibrero.com

Marion Bogos ofrece a Hispanophone una nueva versión traducida al francés de “Continuidad de los parques”, el célebre cuento del escritor argentino Julio Cortázar.

Por Marion Bogos (*)

(Texto bilingüe – texte bilingue)

Al traducir este cuento, intenté reproducir de la mejor forma posible el mundo de Cortázar. Quise penetrar en el universo fantástico y vertiginoso de la obra y de su autor, sintiendo allí la apasionada angustia de los amantes, allá la paz inocente del lector que, sin saberlo, lo está arriesgando todo. Este cuento me apasionó desde el primer día que lo descubrí hace tres años, cuando empecé mi formación en estudios hispánicos. Desde entonces, volví a leerlo muchas veces y así vino la idea de traducirlo al francés, produciendo una versión inevitablemente personalizada dado que el traductor siempre deja un poco de sí mismo en cada obra que traduce. El título, por ejemplo, lo tuve que modificar, traduciéndolo por «Au-delà du parc» (literalmente, “Más allá del parque”) en vez de «Continuité des parcs» (“Continuidad de los parques”) como lo hubiera hecho una traducción fiel y exacta. Escogí este título porque me pareció mucho más adaptado al francés, pero también porque refleja un poco mi propia manera de percibir este cuento en el cual el protagonista se pierde más allá de su lectura, más allá del parque donde ocurren los hechos del relato que está leyendo y aún más allá de la realidad. Ese más allá de la realidad (y de todo en general) es fundamental, ya que es exactamente eso lo que conducirá al hombre a su perdición.

Las expresiones y metáforas propias del cuento (y de Cortázar) también constituyeron un desafío interesante. Tales particularidades lingüísticas a menudo no tienen equivalente en otro idioma, pero intenté siempre encontrar expresiones francesas que tengan la misma significación que las que buscaba Cortázar en español, o dibujar con palabras lo más auténticamente posible la idea y la imagen del autor. Siendo Cortázar un escritor metido en un universo imaginario, mágico y metafórico muy rico, éste no fue un trabajo fácil y el desafío consistió más que todo en respetar y conservar el efecto buscado por la narración en vez de traducir fielmente las palabras del autor.

Por supuesto, espero haber conservado toda la autenticidad y el talento del gran maestro. Algunos pasajes me habrán parecido más difíciles que otros y no pretendo haber hecho un trabajo al nivel de la obra original, pero al traducir el cuento intenté destacar lo que hace que aprecie y que perciba la obra de una manera particular. Obviamente, tuve que cambiar palabras o términos, invertir el orden de las palabras o de los hechos en algunas frases, pero sin perder jamás el sentido y el alma del cuento, ya que para mí eso es lo más importante en una obra: la esencia del cuento.

Siendo este cuento muy breve e intenso, el ritmo de la narración era también algo muy importante que tuve que tomar en cuenta, particularmente en la última parte, donde todo está en juego y lo inevitable finalmente ocurre. Cortázar eligió darle intensidad al ritmo en esa parte del relato gracias a una enumeración espasmódica y cortada. Quise retomar este ritmo en francés, manteniendo al lector en el mismo estado de impaciencia y angustia. La diferencia es que por razones de sintaxis y gramática que exige el francés, cambié un poco el ritmo, dándole a la narración quizás una velocidad un poco menos espasmódica pero más amenazante, típica de una narración de thriller y suspenso en francés.

Al ser ésta mi primera verdadera experiencia de traducción de una obra de ficción (en el pasado tuve que traducir o reformular trabajos universitarios y textos informativos, pero muy poca ficción), espero haberlo hecho bien y haber logrado, aunque sea solo un poco, rendir homenaje a ese gran autor. Dejo al lector al cargo de evaluar la autenticidad y la calidad de esta publicación.

Aquí la versión en español del relato.

(Version française)

J’ai, en traduisant ce conte, tenté de reproduire au mieux l’univers de Cortázar, cet auteur aussi attaché au monde du réalisme magique qu’au contexte politique l’environnant. J’ai voulu pénétrer dans l’univers fantastique et étourdissant de l’œuvre et de son auteur, ressentant tantôt l’angoisse passionnée des amants, tantôt l’innocente paix du lecteur courant à sa perte sans le savoir. Ce conte m’a passionnée dès que je l’ai découvert, il y a 3 ans, au début de ma formation en études hispaniques. J’y retourne souvent depuis et c’est ce qui m’a donné envie d’en faire une version en français, qui est inévitablement personnalisée puisque le traducteur laisse toujours un peu du sien en retranscrivant une œuvre. C’est le cas entre autre avec le titre du conte, que j’ai quelque peu modifié, le traduisant par «au-delà du parc» plutôt que par «continuité des parcs» comme l’aurait voulu une traduction mot à mot. Le titre que j’ai choisi me semblait premièrement beaucoup mieux adapté à la langue française, mais il reflète aussi un peu la manière dont je perçois ce conte dans lequel le protagoniste se perd au-delà de sa lecture, au-delà du parc dans lequel se déroule le conte qu’il lit et même au-delà de la réalité … Cet «au-delà» de la réalité et de tout est capital car c’est justement ce qui le mènera à sa perte.

Les expressions idiomatiques et les métaphores propres au conte –et à Cortázar- ont également constitué un défi intéressant. Ces tournures linguistiques n’ont souvent pas leur équivalent d’une langue à l’autre et j’ai tenté, soit de trouver une expression équivalente au sens que lui donnait Cortázar, soit de retranscrire l’idée et l’image le plus précisément et authentiquement possible. Cortázar étant un auteur plongé dans un univers imaginaire, magique et métaphorique très riche, cette tâche ne fut pas facile et le défi consistait plus à respecter l’effet recherché par la narration que de traduire fidèlement les mots-mêmes de l’auteur.

J’espère toutefois évidemment avoir gardé toute l’authenticité et le talent du maître. Certains passages m’ont donné du fil à retordre et je ne prétends pas avoir effectué un travail à la hauteur de l’œuvre originale, mais j’en ai ressorti du mieux que j’ai pu la manière dont je la perçois et l’apprécie depuis toujours. J’ai bien sûr dû parfois changer un mot ou une expression, inverser l’ordre des mots ou de faits énoncés au sein d’une phrase mais sans jamais perdre le sens -et l’essence- du texte, car c’est là le plus important pour moi : l’âme du conte.

Ce conte étant très bref et intense, le rythme de la narration était également à prendre en compte, particulièrement dans la dernière partie, là où tout se joue et ou l’inévitable s’accomplit. Cortázar a choisi de donner de l’intensité au rythme de cette partie à l’aide d’une énumération saccadée et tranchante de chaque fait. J’ai voulu redonner ce rythme et tenir le lecteur en haleine tout autant en Français, à la seule différence que pour des raisons de syntaxe et de grammaire la version française a dû être quelque peu entrecoupée et changée, donnant peut-être un rythme moins saccadé mais toutefois plus menaçant et typique d’une nouvelle de suspense en français.

Ceci étant ma première véritable expérience de traduction d’un texte de fiction (j’ai souvent eu à traduire et reformuler des travaux et textes informatifs, mais très peu de fiction), j’espère avoir fait preuve de bon jugement et avoir un peu, un tout petit peu, rendu hommage au grand maître à ma manière. Je laisse à présent au lecteur le soin de juger de l’exactitude et de la qualité de cette publication.

Au-delà du parc 

(Continuidad de los parques)

Par Julio Cortázar

Il avait commencé le roman quelques jours avant, puis l’avait abandonné, ayant quelques affaires urgentes à régler. C’est dans le train le ramenant chez lui qu’il le reprit, se laissant peu à peu absorber par l’histoire et par le portrait des personnages. Cet après-midi-là, après avoir écrit à son mandataire et discuté d’une question de métayage avec le majordome, il revint au roman dans la tranquillité du studio depuis lequel il avait vue sur le parc des chênes. Confortablement installé dans son fauteuil favori, dos à la porte afin d’éviter toute possibilité d’intrusion dérangeante, il laissa sa main gauche caresser une fois de plus le velours vert et entreprit de lire les derniers chapitres. Son esprit retenait sans effort les noms et les visages des protagonistes et l’illusion romanesque le gagna presque immédiatement. Il se laissait envahir par le plaisir presque pervers de se voir arraché à la réalité qui l’entourait, une ligne à la fois, conscient toutefois de sa tête reposant confortablement sur le velours du haut dossier, des cigares toujours à portée de main, de l’air du crépuscule qui, au-delà de la baie vitrée, dansait sous les chênes. Mot à mot, absorbé par le sordide dilemme des protagonistes, se laissant porter par les images qui se formaient et gagnaient en couleur et en mouvement, il fut témoin du dernier rendez-vous dans le chalet de la montagne. La femme, méfiante, entrait d’abord. Puis arrivait l’amant, le visage blessé par un coup de branche. De ses baisers elle pansait admirablement la blessure, mais il refusait les caresses; il n’était pas venu pour répéter une fois de plus le rituel d’une passion secrète protégée par un monde de feuilles séchées et de sentiers clandestins. Le poignard tiédissait contre sa poitrine, tandis que sous la lame palpitait la liberté latente. Un ardent dialogue courrait au fil des pages comme un ruisseau de serpents, et l’on pouvait sentir que tout avait été décidé depuis longtemps. Même les caresses s’emmêlant au corps de l’amant, tentant de le retenir et de le dissuader, dessinaient abominablement la silhouette d’un autre corps devant être détruit. Rien n’avait été laissé au hasard; alibis, coïncidences, erreurs possibles. À partir de ce moment, chaque instant avait son rôle, minutieusement attribué. La double et impitoyable inspection ne s’interrompait que le temps de la caresse d’une main sur la joue. Il commençait à faire nuit.

Sans plus se regarder, strictement liés à la tâche qui les attendait, ils se séparèrent à la porte du chalet. Elle devait suivre le chemin qui partait vers le nord. Sur le chemin opposé, il se retourna un instant pour la voir courir, les cheveux au vent. Il se mit à courir à son tour, se retranchant derrière arbres et haies jusqu’à distinguer à travers le brouillard mauve du crépuscule l’allée menant vers la maison. Les chiens ne devaient pas aboyer, et ils n’aboyèrent pas. Le majordome ne devait pas être présent à cette heure, et il ne l’était pas. Il monta les trois marches du porche et entra. Les paroles de la femme lui parvenaient à travers le galop de son pouls qui lui martelait les oreilles : d’abord, une pièce bleue, puis une galerie et enfin un escalier recouvert de tapis. Tout en haut, deux portes. Personne dans la première pièce ni dans la deuxième. La porte du salon, le poignard dans la main, la lumière provenant de la baie vitrée, le haut dossier d’un fauteuil de velours vert, puis enfin la tête de l’homme lisant un roman, assis dans le fauteuil.

Marion Bogos es estudiante en la Universidad de Montreal. Apasionada por los idiomas, los viajes, la linguística, la literatura y las culturas del mundo, terminó en diciembre pasado un BAC en Estudios hispánicos. Escribe para la revista Hispanophone y espera hacer una maestría en enseñanza del español lengua segunda.

(*) El presente artículo es sólo un ejercicio académico y literario sin propósitos editoriales ni comerciales. Desautorizamos su uso para tales fines a través de Hispanophone. El Comité Editorial.

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